JOURNEE DE FORMATION SUR LES ADDICTIONS /MINEURS, DU JEUDI 20 NOVEMBRE ORGANISEE PAR L’ASSOCIATION L’AVOCAT ET L’ENFANT
Intervention de Mme Jennifer YEGHICHEYAN Sociologue
Mme Jennifer YEGHICHEYAN travaille dans l’association CREAIORS en Occitanie sur la santé et la vulnérabilité. C’est un centre d’études et d’accompagnement et aussi un centre ressources (MAAD-digital.fr ) et un support ressources avec des vidéos pédagogiques. Autre ressource, l’OFDT : observatoire des drogues et conduites addictives.
La mise en place du dispositif TREND qui a pour objectif d’identifier et de décrire l’évolution des tendances et de phénomènes émergents liés aux produits psychotropes illicites ou détournés de leur usage. Certains critères définissent le trouble addictif (Selon Ariel Goodman) ; Il faut au moins 5 points pour dire qu’on est « addict »:
1.On y pense souvent
2.On en prend souvent plus et au-delà
3.On fait des efforts répétés pour réduire ou arrêter
4.on prend du temps à la préparation et pour l’après
5.ça a des conséquences sur la vie sociale, professionnelle et familiale
6.On éprouve de moins en moins de plaisir: tolérance au produit
7.On est agité ou agressif quand il n’est pas possible de consommer
8.On a la volonté de s’arrêter mais impossible de le faire
Les addictions comportementales (exemple : réseaux, téléphone) sont assez comparables mais n’apparaîssent que peu d’études pour le moment c’est un champ scientifique en construction.
Les normes sociales influent sur l’usage puis sur l’addiction (être comme les autres forts, beaux, rapides, minces, etc).
Il existe un rapport parlementaire concernant l’utilisation du réseau « Tik-Tok » mais qui n’a pas été reconnu comme addiction comportementale, néanmoins certains psychiatres prennent déjà en charge des adolescents qui perdent le contrôle vis-à-vis de leur relation aux réseaux sociaux.
On peut se sevrer d’une addiction même si c’est difficile car la souffrance au moment du sevrage peut-être importante. Cependant les scientifiques démontrent qu’il existe un phénomène appelé “craving” qui est une demande du cerveau addict et qui dure plusieurs années, alors même que le sevrage demande un temps beaucoup moins long.
Les niveaux d’usage en France et dans l’UE peuvent être trouvés sur le site de L’OFDT.
On peut juste remarquer que pour le tabac, l’alcool et le Cannabis entre 2000 et 2022 les études montrent que la consommation est en baisse. Les jeunes qui n’ont jamais consommé augmentent.
L’environnement joue un rôle important ; On identifie des inégalités sociales aussi dans la consommation. Les jeunes non scolarisés consomment plus que les lycéens. Une enquête ARAMIS 2 sur le contrôle parental des usages du tabac et du cannabis montre que les parents interviennent beaucoup plus rapidement chez les filles que chez les garçons.
En ce moment la consommation se fait autour de la Kétamine souvent en automédication ou de manière festive chez les jeunes (effet comparable à la cocaïne).
Première table ronde
- Intervention de Jean-Christophe TIXIER, procureur qui s’occupe d’un pôle mineur et d’un pôle violences familiales
« La délinquance des mineurs est en baisse de 25% depuis 2019 (199000 dossiers en 2019 et 164000 en 2022) mais l’addiction est au coeur de la délinquance des mineurs.
Le Cannabis a un taux de THC (substance active) de 30 à 40 fois supérieur par rapport aux années 2000. On note aussi que plus de 40 % des personnes ont des accidents de la route sous stupéfiants.
Le foyer d’urgence est à 200m d’un point de deal, et comme se ne sont pas des lieux sous surveillance les jeunes rentrent / sortent et souvent deal ou consomment sur place.
Les jeunes filles sont particulièrement vulnérables et entrent dans la prostitution à cause de leur addiction. Aujourd’hui je ne propose plus d’OPP pour le foyer d’urgence parce que je sais que 3 jours après elles seront dans un réseau de prostitution.
En général je propose un déferrement et un suivi PJJ et comme beaucoup de parents sont en difficulté le travail est surtout éducatif.
A Montpellier, nous possédons 5 juges pour 500000 habitants, c’est très insuffisant. Nous proposons des stages de parentalité pour venir en aide aux parents.
En 2025 sur 1533 dossiers mineurs 50 % ont été classés sans suite, ce qui ne veut pas dire que rien n’est fait, il n’y a pas de poursuites judiciaires mais des prises en charge ASE ou PJJ.
Sur les autres 50 %, 250 sont passés au TPE sans déferrement et 150 ont été déferrés.
Sur 900 MNA, 50 environ posent des problèmes de délinquances, les autres suivent des formations et font ce qu’il faut pour s’intégrer »
- Intervention de Carole Verta commandante de police à Sète
Elle propose des petites vignettes cliniques sur des mineurs qu’elle a suivi au commissariat.
APRES MIDI
Deuxième table ronde
- Mme Gaëlle CARRETTE juge des enfants à Narbonne
« S’agissant du volet civil :
- Placement AEMO
- Solliciter des bilans des jeunes / aux addictions
- Demander des expertises pédopsychiatriques (même si souvent il y a pénurie)
- Ordonnance de placement provisoire pour soins
S’agissant du volet pénal :
- MEJP avec module santé, insertion et placement
- A tout moment sur demande le juge peut ajouter un module »
- Mme Françoise MAVRAERA VELASCO (infirmière PJJ) et Mme Florence PRADET (PJJ)
« Il y a 3 milieux ouverts :
- STEMO Montpellier Est
- STEMO Montpellier Ouest
- STEMO Béziers
Nous devons voir et penser les jeunes adolescents comme des personnes en période de transformation. Nous avons surtout des garçons qui ont vécu des parcours de vie douloureux, des ruptures, une déscolarisation
La nouveauté du CJPM depuis 2021 c’est aller vite au jugement de culpabilité avec une mise à l’épreuve éducative avec modules puis passer à un jugement sur la sanction.
Entre culpabilité et sanction c’est un cadre contraint ; mais avec ces jeunes, il y a besoin de temps.
Le module « santé » n’est pas une obligation de soins. La PJJ a besoin pour ce module de trouver des professionnels de santé adaptés. Nous prenons en compte tous les déterminants de la santé. L’environnement et le contexte familial, nous avons des conventions avec l’ARS et la CPAM en lien avec des associations. On travaille aussi avec les parents sur l’hygiène de vie.
Les consommations se retrouvent partout en ville et à la campagne. Elles sont très banalisées et très facile d’accès, il y a aussi les réseaux sociaux.
En détention les mineurs sont tous dans la consommation quotidienne et disent que c’est le seul moyen de tenir en détention (pas de problèmes pour se fournir: un nouveau métier existe “ Droneur” qui alimente les prisons)
5 points de l’addiction:
- le contrôle
- le craving
- la compulsion
- la continuité
- les conséquences »
Troisième table ronde
- Mme Julia GARAU CSAPA, Site AMT Arc en ciel/ Le Zinc (centre d’accueil et d’aide pour l’usager et son entourage)
« Je dirai que l’addiction c’est une perte de la liberté de s’abstenir. Cette notion d’addiction date de 2010 et le revers de la médaille c’est que tout est appelé addict, moi je parle plutôt d’usage problématique.
Les adolescents demandent peu ou rien, ils veulent juste qu’on les laisse tranquilles.
A la CSAPA, nous avons des médecins, des psychologues et des travailleurs sociaux, nous travaillons pour chaque cas à un parcours de soins personnalisé avec 3 points fondamentaux
- L’ anonymat
- L’adhésion
- La gratuité
Nous devons préconiser l’accompagnement avant les conduites addictives, organiser la prévention.
Dans l’addiction il n’y pas qu’une dimension personnelle, il y a aussi une dimension sociale valeurs d’une société où on prône la rapidité, l’exploit, l’efficacité (exemple de la pub du saut en parachute sponsorisé par Redbull). Ces demandes accentuent l’anxiété et favorisent l’augmentation des addictions.
Donc il faut s’occuper de l’individu et de son environnement, quelles valeurs sont portées.
Pour une intervention précoce il faut repérer. Partir toujours de l’expérience du sujet, s’il consomme c’est qu’il a de bonnes raisons de le faire, qu’est-ce que le produit va permettre que rien ne pourra remplacer: d’abord plaisir puis après risques, danger et perte de contrôle.
Essayez de trouver d’autres solutions: remplacer le produit par des projets, des relations humaines, de la culture, du sport.
Nous utilisons des outils interactifs et ludiques sans jugement de valeurs;
Ne pas se focaliser sur l’abstinence avec de petits objectifs d’abord. Par exemple se lever le matin, ne pas fumer avant 18h.
- Mme Sandrina Marty Adjudant chef de la maison de protection des familles à Lunel
Créée en 1999 la prévention par les gendarmes autour du harcèlement dans les écoles, avec les femmes, avec les séniors et les handicapés.
5 gendarmes ont été formés pour intervenir sur tout le département en gendarmerie. En 2023 la formation donnée a complètement changé de méthodes de prévention. Avant nous expliquions les dangers en montrant que ce n’était pas bien. Maintenant nous dialoguons avec les personnes concernées, nous partons de leurs savoirs , de leur expérience, nous intervenons à partir de la classe de 5ème pour les jeunes car en seconde c’est trop tard ils sont dans la consommation.
Dès le CE2 il y a des comportements addictifs sur les réseaux sociaux. Certains enfants ont vu du porno à partir de 8 ans.
Nous privilégions la prévention, et les parents doivent dialoguer et connaître les dangers des réseaux avec leurs enfants même très jeunes.
FIN DES INTERVENTIONS
Compte rendu des assesseurs du TPE de Montpellier