Décision Conseil constitutionnel 21 septembre 2012

21 Sep, 2012 | Lois, décrets, Jurisprudence

Par décision du 20 juin 2012, la Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionalité transmise par un jugement du tribunal correctionnel pour mineurs de Toulouse, en date  du 30 janvier 2012.

 

 

La question posée est ainsi rédigée : L'article 8-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 issu de la loi du 26 décembre 2011 porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par les principes de clarté et de lisibilité de la loi et au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs ? "

 Article 8-2

En matière correctionnelle, le procureur de la République pourra, à tout moment de la procédure, s'il estime que des investigations suffisantes sur la personnalité du mineur ont été effectuées, le cas échéant à l'occasion d'une précédente procédure, et que des investigations sur les faits ne sont pas ou ne sont plus nécessaires, requérir du juge des enfants qu'il ordonne la comparution de mineurs soit devant le tribunal pour enfants, soit devant le tribunal correctionnel pour mineurs, soit devant la chambre du conseil, dans un délai compris entre un et trois mois. Dans le cas prévu à l'article 24-1 de la présente ordonnance, ce délai peut être compris entre dix jours et un mois. Les dispositions des deux derniers alinéas de l'article 82 et des deux premiers alinéas de l'article 185 du code de procédure pénale sont alors applicables, l'appel ou le recours du parquet étant porté devant le président de la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel ou son remplaçant, qui statuera dans les quinze jours de sa saisine. L'appel ou le recours du procureur de la République sera porté à la connaissance du mineur, de ses représentants légaux et de son avocat, qui pourront présenter par écrit toutes observations utiles

Le Conseil constitutionnel par décision du 21 septembre 2012 décide que l'article 8-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2011-1940 du 26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants est conforme à la Constitution.

Dans un premier temps, le Conseil constitutionnel, dans sa décision, précise la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs en indiquant :

  1. que l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle ; que ces principes trouvent notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante,
  2. que la législation républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives et qu'en particulier, les dispositions originelles de l'ordonnance du 2 février 1945 n'écartaient pas la responsabilité pénale des mineurs et n'excluaient pas, en cas de nécessité, que fussent prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de treize ans, la détention.

Puis, il considère

En premier lieu, qu’il appartient au seul juge des enfants de décider de saisir la juridiction de jugement,

Que le juge des enfants ne fait droit à la requête du procureur de la République que s’il estime que « des investigations suffisantes sur la personnalité du mineur ont été effectuées, le cas échéant à l'occasion d'une précédente procédure, et que des investigations sur les faits ne sont pas ou ne sont plus nécessaires ».

Qu’à défaut, il appartient au juge des enfants de poursuivre l'instruction préparatoire après avoir rejeté la requête du procureur de la République par une ordonnance susceptible d'appel devant le président de la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel ou son remplaçant.

Le Conseil constitutionnel en déduit que ces dispositions n’empêchent pas que les mineurs soient jugés selon une procédure appropriée à la recherche de leur relèvement éducatif et que par conséquent elles ne méconnaissent pas le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs.

En second lieu, que si le juge des enfants fait droit à la requête du procureur de la République, il renvoie le mineur devant la juridiction de jugement compétente dans un délai « compris entre un et trois mois » ; et que par ailleurs il est précisé que lorsque le mineur est renvoyé devant le tribunal correctionnel des mineurs, « ce délai peut être compris entre dix jours et un mois » ;

Le Conseil constitutionnel en déduit que les dispositions ne sont pas inintelligibles.