Suite à trois saisines, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 19 juin 2025 (déc. n° 2025-886 DC), a censuré, en tout ou en partie, plusieurs articles clés de la proposition de loi « visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents » (articles 4, 5, 6, 7, 12 et 15), adoptée le 19 mai 2025 par le Parlement. Il a considéré que ces dispositions ne respectaient pas le principe fondamental reconnu par les lois de la République d’adaptation de la réponse pénale à la situation particulière des mineurs (inspiré de l’ordonnance de 1945, dégagé par le Conseil constitutionnel le 29 août 2002 et rappelé constamment depuis). Ce principe implique que “les mesures prises à l’encontre des enfants délinquants doivent rechercher en priorité leur relèvement éducatif et moral, être adaptées à leur âge et à leur personnalité, et être prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées”.
Les articles censurés sur le fond concernent :
- L’instauration d’une procédure d’audience unique en comparution immédiate (art. 4 de la loi) pour le mineur âgé d’au moins seize ans encourant une peine supérieure ou égale à trois ans d’emprisonnement et ayant déjà fait l’objet de certaines mesures (mesure éducative, mesure judiciaire d’investigation éducative, mesure de sûreté, déclaration de culpabilité ou prononcé de peine);
- L’extension du champ des infractions pour lesquelles le mineur âgé d’au moins treize ans peut être poursuivi devant le tribunal pour enfants aux fins de jugement en audience unique (art. 5 de la loi). Alors que le recours à cette procédure dérogatoire à celle de mise à l’épreuve éducative est actuellement possible quand la peine encourue est d’au moins cinq ans pour les mineurs de 13 à 16 ans et de deux ans pour les mineurs de plus de 16 ans, le seuil passait respectivement à trois ans et un an.
- L’allongement de la durée de la détention provisoire au cours de l’information judiciaire de deux mois à un an pour le mineur âgé de moins de 16 ans poursuivi pour certains délits à caractère terroriste (C. pénal, art. 421-2-1 et 421-2-6) ainsi que ceux commis en bande organisée pour lesquels la peine encourue est égale à dix ans d’emprisonnement (art. 6, 5° de la loi). Cette durée d’un an correspond aujourd’hui à la durée maximale de la détention provisoire possible pour les mineurs de moins de 16 ans en matière criminelle. Elle est de deux mois pour ces mineurs en matière délictuelle.
- La suppression d’une part, du caractère exceptionnel de la possibilité donnée à la juridiction d’écarter les règles d’atténuation des peines (« excuse de minorité ») pour les mineurs de 16 ans et d’autre part, la non-application de ces règles aux mineurs âgés de plus de seize ans ayant un commis un crime ou un délit puni de cinq ans d’emprisonnement en situation de récidive légale. Dans ce cas, la juridiction ne pouvait en décider autrement que par décision spécialement motivée. Autrement dit, il s’agissait concernant certains mineurs d’inverser le système actuel, l’atténuation des peines devenant l’exception et non plus le principe (art. 7 de la loi).
- La possibilité sur décision d’un officier de police judiciaire, de placer en rétention, sous certaines conditions et pour une durée maximale de douze heures, un mineur en cas de soupçon de non-respect d’une mesure éducative judiciaire provisoire (art. 12 de la loi). En ne prévoyant pas qu’une telle mesure soit prononcée sous le contrôle préalable d’une juridiction spécialisée ou selon une procédure appropriée, le Conseil constitutionnel a considéré que cette disposition ne satisfaisait pas aux exigences constitutionnelles d’adaptation de la réponse pénale à la situation des mineurs.
L’article censuré sur la forme :
Article 15 : pour des raisons de procédure, le Conseil constitutionnel a censuré cet article sans préjuger de sa conformité au fond à la Constitution (cavalier législatif : disposition introduite par un amendement et n’ayant aucun lien, même indirect avec le texte d’origine, procédé interdit par l’article 45 de la Constitution). Il prévoyait, à titre expérimental et pour une durée de dix-huit mois (dans deux tribunaux judiciaires), d’augmenter le nombre d’assesseurs (de deux à quatre) composant le tribunal pour enfants en matière criminelle (quand il connaît de crimes commis par les mineurs de moins de seize ans).
En revanche, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution plusieurs dispositions contestées des articles suivants de la loi :
- Article 1er: création d’une circonstance aggravante des peines réprimant le délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales, lorsque celui-ci a directement conduit l’enfant mineur à commettre un crime ou un délit (C. pén. art. 227-17) ;
- Articles 13 et 14: permettent que le procureur, au titre des mesures alternatives aux poursuites, ou la juridiction des mineurs, au titre d’une mesure éducative judiciaire, puissent interdire à un mineur d’aller et venir sur la voie publique sans son représentant légal pendant une durée maximale de six mois.