Après un parcours législatif chaotique, la proposition de loi visant à renforcer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents vient d’être adoptée définitivement par le Parlement le 19 mai 2025.
La proposition de loi, soutenue par le gouvernement, avait été déposée le 15 octobre 2024 par le député Gabriel Attal et ses collègues du groupe Ensemble pour la République (EPR) en réaction aux violences urbaines qui avaient marqué le début de l’été 2023, à la suite de la mort du jeune Nahel, tué par un policier lors d’un contrôle routier à Nanterre. Dans son exposé des motifs, la proposition de loi indique vouloir « une réponse adaptée et graduée aux actes d’une partie de la jeunesse à la dérive », mais aussi « responsabiliser davantage les parents de jeunes délinquants qui se sont totalement soustraits à leur responsabilité parentale ». A l’Assemblée nationale comme au Sénat (procédure accélérée engagée par le gouvernement le 20 janvier 2025), les dispositions phares avaient été supprimées en commission avant d’être rétablies en séance.
Le texte a été adopté en première lecture, avec modifications, par l’Assemblée nationale le 13 février 2025, puis par le Sénat le 6 mai 2025. En dépit de ce parcours législatif difficilement lisible, la commission mixte paritaire a réussi à trouver un compromis reprenant l’essentiel du texte avec quelques ajouts.
L’Assemblée nationale a adopté la version finale de la proposition de loi le 13 mai 2025 et le Sénat définitivement le 19 mai 2025. Plusieurs des dispositions de cette loi ont été contestées en raison de leur caractère répressif par une partie de la gauche mais également par de nombreux professionnels en raison de leur caractère politique, d’affichage, plus que véritablement opérationnel. En écho à ces critiques, le Conseil constitutionnel a été saisi de la proposition de loi le 20 mai 2025 et il a un mois pour statuer à compter de sa saisine (2025-886 DC).
- Création d’une comparution immédiate
Prévue à l’article 4, cette procédure de comparution immédiate très contestée a été adossée à l’audience unique. Elle s’appliquera aux jeunes de 16 ans et plus déjà connus de la justice (ayant déjà fait l’objet de mesures éducatives ou judiciaires et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an pour une mesure éducative, de sûreté, une condamnation…). La comparution immédiate ne sera possible qu’en cas d’infractions pour lesquelles la peine encourue est supérieure ou égale à 3 ans d’emprisonnement (ce qui couvre un nombre très important de délits) et avec l’accord du jeune en présence de son avocat et assisté, le cas échéant, de ses parents. L’audience unique en comparution immédiate conduira à un traitement de l’affaire plus rapide, le jour même ou dans un délai de cinq jours ouvrables. Si l’audience unique ne peut pas se tenir le même jour, le mineur pourra être placé sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique, soit en détention provisoire jusqu’à l’audience.
Par ailleurs, l’article 5 étend le recours à l’audience unique en abaissant le quantum de peine encourue à compter duquel un mineur peut être jugé sans « césure » (procédure de mise à l’épreuve éducative) à l’initiative du parquet : peine d’emprisonnement de trois ans (contre 5 actuellement) pour les treize-seize ans, et d’un an (contre 3 actuellement) pour les mineurs de plus de seize ans.
- Assouplissement des règles d’atténuation des peines
A défaut de décision expresse et motivée des magistrats (tribunal pour enfants et cour d’assises des mineurs), l’article 7 prévoit que les règles d’atténuation de peine ne s’appliqueront pas aux mineurs de plus de seize ans qui commettent des crimes ou des délits punis d’une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement commis en état de récidive légale. Cependant, l’idée d’avoir des règles de majorité allégée devant la cour d’assises des mineurs n’a pas été retenue afin de ne pas créer un régime plus sévère que celui qui s’applique aux majeurs.
- Des mesures visant les parents « défaillants »
L’article 1er institue une nouvelle circonstance aggravante pour le délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales (article 227-17 du Code pénal). Ce délit (2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende) sanctionne le parent qui compromet « la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur ». Quand cette soustraction aura directement conduit l’enfant à commettre au moins un crime ou plusieurs délits, pour lesquels il a été définitivement condamné, des peines plus lourdes seront encourues par le parent défaillant (3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende). Il en sera de même en cas de non-versement d’une pension alimentaire, de non-présentation d’enfant et de non-respect de l’obligation de scolarisation. Le Sénat y était initialement opposé, considérant le dispositif peu opérationnel.
L’article 2 prévoit que le juge des enfants pourra condamner à une amende civile les parents qui n’ont pas déféré aux convocations aux audiences et aux auditions du juge des enfants, sans motif légitime. L’amende déjà prévue en matière pénale (CJPM, art. L. 311-5) passera de 3 750 euros à 7 500 euros.
L’article 3 de la proposition de loi modifie la responsabilité civile des parents du fait des dommages commis par leurs enfants mineurs (C. civ., art. 1242) pour tenir compte de l’arrêt rendu par l’assemblée plénière de la Cour de cassation le 28 juin 2024 (n° 22-84.760). La condition de cohabitation du parent avec l’enfant est supprimée. Ainsi, la responsabilité d’un parent pourra être engagée même s’il ne vit pas avec son enfant, dès lors qu’il exerce l’autorité parentale conjointement avec l’autre parent. Cette responsabilité solidaire ne s’appliquera pas aux parents d’enfants confiés à un tiers par une décision administrative ou judiciaire (par ex., placés dans un établissement spécialisé). Dans le même sens, et afin d’améliorer les possibilités d’indemnisation des victimes, les assureurs pourront se retourner contre un parent condamné pour soustraction à ses obligations légales, quand le délit commis par son enfant a un lien avec les dommages causés. Ainsi, dans cette hypothèse (rare), les assureurs pourront faire participer les parents défaillants à l’indemnisation des dommages, dans la limite de 7 500 euros.
- Des nouvelles mesures pour les mineurs
Les mesures de sûreté qui peuvent s’appliquer aux mineurs sont renforcées en cas d’acte terroriste ou d’infraction grave commise en bande organisée (art. 6). Les possibilités de placer ces jeunes en centre éducatif fermé, en détention provisoire, sous contrôle judiciaire, de les assigner à résidence sous bracelet électronique ou de prise en charge pré sentencielles par la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) sont élargies, et ce dès l’âge de 13 ans.
Les juges pourront prononcer envers les mineurs une obligation de pointage auprès de services ou d’associations habilitées (art. 10).
L’article 11 crée une procédure de rappel à l’ordre en cas de violation d’une mesure éducative par un mineur.
Le texte (art. 12) crée également une possibilité de rétention de douze heures, lorsqu’il existe une raison plausible de soupçonner qu’un mineur faisant l’objet d’une mesure éducative provisoire a violé une interdiction.
Dans le cadre d’une alternative aux poursuites ou d’une mesure éducative judiciaire, une mesure de couvre-feu pourra être prononcée (aux conditions et pour les motifs déterminés par le procureur de la République ou la juridiction), le mineur ne pouvant, sauf exceptions (par ex., exercice d’une activité professionnelle), aller et venir sur la voie publique sans être accompagné de l’un de ses représentants légaux (art. 13 et 14).
- Expérimentation d’augmentation du nombre des assesseurs dans les TPE en matière criminelle
La proposition votée par le Sénat est maintenue. A titre expérimental et pour une durée de dix‑huit mois à compter de la publication du décret (qui précisera les modalités d’application), dans deux tribunaux judiciaires désignés par arrêté du ministre de la Justice, le nombre des assesseurs composant le tribunal pour enfants est porté de deux à quatre lorsque le tribunal pour enfants connaît des crimes commis par les mineurs de moins de seize ans. Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation (art. 15), le Gouvernement adressera au Parlement un rapport procédant à l’évaluation de celle‑ci.
- Des mesures plus techniques
Possibilité de remplacer le recueil de renseignements socio-éducatif (RRSE) par une note de situation actualisée (art. 8) quand le mineur est suivi par les services de la PJJ dans le cadre d’une mesure éducative judiciaire, d’une mesure éducative judiciaire provisoire, d’une mesure de sûreté ou d’une peine.
Remise obligatoire d’un rapport éducatif devant le juge de la liberté et de la détention (JLD) avant toute réquisition ou décision de placement en détention provisoire dans le cadre d’une procédure d’audience unique (art. 9).
- Des mesures abandonnées
Abandon de la systématisation du prononcé de mesures de réparation ou la possibilité de permettre au juge d’écarter les mesures éducatives en cas de condamnation pour des faits de faible gravité.
Abandon de la possibilité de surseoir à statuer sur la sanction d’un mineur en cas d’appel de la décision de culpabilité.
Abandon de l’article (introduit par le Sénat) qui permettait le prononcé de très courtes peines pour les mineurs délinquants (peines d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un mois), le sujet étant renvoyé à une réforme plus globale de l’échelle des peines.